Les médias se préoccupent beaucoup, en ce moment, de la « refondation » du parti présidentiel, qui s’appellerait désormais « Renaissance ». Il n’y est question que de mécano institutionnel, comme de savoir comment la machine va fonctionner, avec qui à sa tête, le tout discuté dans un bureau à l’Elysée, donc très loin du moindre militant.
Dans tout cela, à aucun moment, il n’est question d’idéologie, ni de positionnement « politique ». C’est même le vide sidéral sur ce sujet, et cela commence à devenir un problème majeur. En effet, Emmanuel Macron a réussi sa conquête du pouvoir en 2017, avec une vague teinture « centriste-humaniste », détaillée dans un livre gentillet écrit pour lui par deux communicants, et surtout, une posture de dégagisme. Ce qui a fait gagner Macron en 2017, c’est cette promesse (très vide de contenu) d’un « nouveau monde ».
Une telle opération, fondée sur le dégagisme, est beaucoup plus compliquée à mettre en œuvre, le coup suivant, quand on est le sortant. Et encore plus lorsque l’on a clairement échoué à tenir cette promesse de « révolution » et de renouveau. Tout au long de son premier mandat, Emmanuel Macron a géré la France (plutôt bien d’ailleurs), comme un technocrate pragmatique, mais il n’a esquissé aucune ligne politique, aucun projet de long terme, aucune projection sur ce que sera la France en 2030 ou 2050. Aucune vision de la France, tout court, diraient les méchantes langues.
Résultat des courses, il a été incapable de donner une impulsion politique à sa candidature pour un deuxième mandat. Les Français l’ont reconduit à la présidence, comme on prolonge le mandat d’un syndic qui a bien géré la copropriété, et parce que l’offre alternative n’était pas à la hauteur. Cette élection présidentielle est une victoire d’Emmanuel Macron sur sa seule personne, et absolument pas sur un projet politique, totalement inexistant.
Si on peut éventuellement passer l’obstacle à la présidentielle, c’est plus compliqué, à l’étape suivante des législatives, de demander aux Français de lui donner une majorité, sans leur dire pour faire quoi. Devant ce vide, Emmanuel Macron a tenté la « non-campagne », espérant refaire le coup de la présidentielle, espérant que, mécaniquement, les Français prennent les Législatives pour une formalité administrative. Malheureusement pour lui, la gauche a fait campagne et il s’est retrouvé avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, qui lui complique la tâche.
A l’aube de la rentrée de septembre, on attend encore qu’Emmanuel Macron nous dise où il veut aller et nous emmener, et je pense que l’on attendra longtemps, car lui même ne le sait pas et n’a rien préparé. Car ce n’est pas un politique, et c’est là sa faille majeure.
Il a cru qu’il devenait possible de diriger le pays, sans avoir à être « politique », juste en étant bon gestionnaire. C’est mal connaitre le pays, et surtout, mal connaitre ce qu’est réellement l’exercice du pouvoir. Faire de la politique, c’est donner une vision de là où veut aller, du cadre intellectuel et de valeurs dans lequel on s’inscrit (avec une cohérence entre les deux). Sans cette vision et cet élan, on ne peut pas mobiliser. De Gaulle avait une vision de la France, qu’il avait largement exprimé dans des livres (par ailleurs bien écrits, et par lui). Il a été capable, après sa prise de pouvoir dans un contexte de crise, de construire un projet politique, avec un parti capable de mobiliser. On ne peut pas en dire autant du parti macroniste, qui est en état de mort cérébrale depuis sa création, et le restera sans doute au cours du deuxième mandat.
Si Emmanuel Macron n’arrive pas à faire de la politique, c’est à dire à donner un cap au pays, articulé autour d’un corpus idéologique identifié et cohérent, sa présidence ne sera qu’une parenthèse. Le problème pour lui, c’est qu’en général, les parenthèses, on cherche à les refermer au plus vite et à passer à la suite, une fois qu’on se rend compte qu’il n’y a rien à attendre, et qu’on perd son temps.
La Macronie n’est pas à un tournant, elle est au pied du mur. La France est un pays très politique, qui est en manque. Si le président actuel n’est pas en capacité de remplir ce manque de politique et d’idéologie, d’autres le feront à sa place (la gauche a commencé) et les Français se tourneront vers eux. Le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron sera politique, ou ne sera pas. Et malheureusement, c’est la deuxième option qui apparait la plus probable.