Le Premier ministre vient d’égrener la liste des mesures qu’il entend mettre en œuvre pour lutter contre la violence des mineurs. Si le problème est réel, il n’a rien de nouveau, et surtout, les réponses sont loin d’être à la hauteur. Elles sont symptomatiques de la manière (déplorable) dont sont abordés les questions de fond par le gouvernement. Il répond plus à la manière dont les médias posent le problème, qu’à la réalité du terrain, et privilégient les réponses « qui claquent » mais ne coûtent pas d’argent public. La faisabilité technique ne compte pas, seul importe l’impact des annonces sur l’opinion.
Face à la violence des enfants, le premier axe est de « responsabiliser » les parents par la sanction. Politiquement, c’est assez déplorable de cibler des personnes dont on ne connait pas la situation réelle, qui ont parfois besoin d’aide, pas de stigmatisation et encore moins de se faire coller un boulet supplémentaire aux pieds. Parmi ces parents d’enfants délinquants, combien de mères seules, qui travaillent à temps partiel, pour moins que le SMIC ? En revanche, sur les enfants de bourgeois, qui grandissent seuls avec un paquet d’argent, ces sanctions pourraient être pertinentes, mais seront-elles appliquées à cette catégorie de la population ? Une sanction n’est sérieusement envisageable que pour un public, les parents qui ont les moyens de bien jouer leur rôle, et qui ne l’ont pas fait. Mais cela implique de renforcer les services sociaux dédiés à l’enfance, qui en ont plus que besoin. Je n’ai rien entendu de tel dans le discours du Premier ministre, alors qu’il aurait fallu commencer par cela.
La seule esquisse de solution « positive » est d’envoyer un enfant qui commence à mal tourner dans un internat, pour le couper d’un environnement toxique. Reste à savoir qui décide de la mise en oeuvre de cette solution, sur la base de quels éléments. Et surtout, qui paie ? L’idée avait déjà été évoquée il y a quelques mois, et on constate qu’on n’a pas avancé d’un iota.
Deuxième piste, la sanction des élèves eux-mêmes. En cas de comportements perturbateurs, on leur met une remarque infamante dans leur dossier, qui leur ferme des portes pour la suite de leurs études (pour ceux qui souhaitent poursuivre des études). On ajoute ainsi un handicap à des élèves qui n’en manquent pas. Ils pourront y échapper s’ils font des « travaux d’intérêt général » dans leur établissement. On relooke la bonne vieille « heure de colle » où tu balayes la cour. Sur le papier, ça fait bien, dans la réalité, on rajoute une charge aux chefs d’établissements, de plus en plus transformés en policiers et juges d’exécution des peines. Sans moyen supplémentaires, pour une tâche que tous n’auront pas la capacité ou l’autorité de mettre en place dans leur établissement. Ce qui peut fonctionner (et encore) dans un établissement bourgeois de centre-ville, n’est peut-être pas efficient en banlieue difficile. Tout ce qu’on propose aux directeurs, c’est une hotline « SOS Laïcité » en cas de problème lié à la religion et quelques accompagnements pour la sécurité des établissements. Mais 350 écoles accompagnées, c’est une goutte d’eau.
Le pompon, c’est quand même l’obligation de consigner les élèves dans l’établissement, qu’ils aient cours ou pas, entre 8h et 18h. On en fait quoi quand ils n’ont pas cours, qui s’en occupe, pour leur faire faire quoi ? C’est une réforme un peu brutale du périscolaire, qui va déstabiliser ce qui existe, et est souvent géré par les collectivités locales, et se retrouve brusquement transféré aux établissements scolaires. Enfin, j’attends de voir ce que vont donner ces fameuses « mesures d’intérêt éducative », qui ne sont rien d’autres que des travaux d’intérêt général pour mineur. Les éventuels contentieux, contre ce qui est sans conteste une sanction, seront intéressants suivre et à analyser !
Troisième piste de solution, la régulation de l’accès aux écrans. On se demande un peu ce que cela vient faire là. C’est un refrain connu, qui n’a pas connu le moindre commencement de mise en œuvre, à part refiler le bébé à une commission de spécialistes et de scientifiques, en espérant qu’ils auront la formule miracle. Sur l’aspect législatif, on évoque l’application d’une loi votée, sur la majorité numérique. Sauf qu’elle est très probablement en contradiction avec le droit européen. C’est d’ailleurs parce que Bruxelles, qui gère largement la régulation du numérique, a haussé le ton qu’on n’entend plus parler de ce texte, jusqu’à ce que les nécessités de la communication politique amènent à le sortir du congélateur.
Bien entendu, pas de bonne réforme sans un renforcement de la « réponse pénale » c’est-à-dire un alourdissement de la répression (comparution immédiatement dès 16 ans, rabotage de l’excuse de minorité, composition pénale dès 13 ans). On note toutefois la prudence dans l’expression sur ce volet, et l’ouverture d’une petite concertation. Là encore, c’est mieux d’être prudent, car le gouvernement s’avance sur un terrain constitutionnellement risqué. Le seul point qui pourrait avoir un (petit) effet est d’amener les adolescents assister, dans le public, à une audience de comparution immédiate. Si cela ne les dissuade pas de commettre des délits, au moins, cela leur fera une formation, et ils ne seront pas complètement dépaysés quand leur tour viendra d’entrer dans le box.
Tout cela ne changera pas grand chose, car le problème de la violence et de délitement de la société est profond et structurel. Malheureusement, je ne vois pas de prise en charge politique des raisons de fond, juste la pose de quelques emplâtres. Comme si traiter un symptôme avec un placebo permettait de guérir d’un cancer.