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L’improbable réforme des institutions

L’actualité politique semble connaitre un léger frémissement, concernant la réforme des institutions, promise par Emmanuel Macron, mais au point mort depuis six mois.

Alors même que la commission d’experts annoncée pour l’automne n’est toujours pas nommée, voilà que le patron du parti du président mandate deux « experts » avec des propositions à formuler pour février et que les universitaires sortent du bois, sur une temporalité plus longue (la rentrée de septembre).

Tuons le suspense tout de suite, cette réforme des institutions ne se fera pas encore cette fois-ci. Aucune condition n’est réunie pour un aboutissement, et je pense que beaucoup en sont conscients, d’où ce retard à l’allumage, et cette occupation du terrain par des seconds couteaux. L’objectif est de sauver la face, en faisant semblant de faire quelque chose.

Pour mener à bien une réforme constitutionnelle, il faut déjà poser clairement les enjeux, et rester dans le cadre d’une commande politique claire. La discussion technique n’est ensuite que la mise en œuvre juridique des objectifs politiques qui font consensus.

Pour l’instant, il n’y a pas d’objectifs politiques. Que veut Emmanuel Macron sur ce sujet des institutions ? On n’en sait pas grand chose, et c’est bien pour cela que les propositions partent dans tous les sens, avec des préconisations purement techniques, sans la moindre vision politique. Si la vision est la même que celle avancée en 2017, et qui n’a pas pu aboutir alors qu’il avait une majorité absolue, il n’y a aucune chance que cela prospère maintenant qu’il n’a plus qu’une majorité relative.

Car en plus d’une absence de vision, il n’y a pas de consensus politique, vu les écarts énormes entre les différents partis. Aucune chance d’avoir un texte conforme entre les deux assemblées, et une majorité des trois cinquième au Congrès (un référendum serait à haut risque politique pour Macron).

Si c’est éventuellement possible d’avoir des accords sur des petits sujets consensuels (comme l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution), sur les institutions, ce n’est même pas la peine d’essayer. Et je n’ose imaginer le bourbier qui sera la discussion à l’Assemblée, avec des montagnes d’amendements qui partent dans tous les sens. Le souvenir des débats de 2018, avant même que tout parte en vrille avec l’affaire Benalla, est suffisamment traumatisant pour donner envie d’y retourner. Et cette fois-ci, ce n’est pas 17 insoumis, mais 75, qui seront dans l’hémicycle, bien décidés à défendre leur projet constitutionnel de VIe république.

Si cela ne suffisait pas pour flinguer le projet, la dernière étape serait délicate, car politiquement, le seul accord possible serait « majorité présidentielle + LR ». Politiquement, c’est loin d’être fait, car je vois pas l’intérêt d’un accord pour le parti désormais dirigé par Eric Ciotti, et encore moins pour Gérard Larcher et Bruno Retailleau. Mathématiquement, cet attelage (s’il ne manque absolument aucune voix) fait tout juste trois cinquième. La barre est à 555 voix, et la totalité de la majorité présidentielle (assemblée et Sénat) et de la majorité sénatoriale (LR-UC-Indépendants) c’est 552. Autant dire que même en allant gratter chez les non-inscrits, c’est très chaud.

Inutile, donc, de perdre du temps sur le sujet, rien ne se passera avant 2027.

Une réponse sur « L’improbable réforme des institutions »

Cette manie en France de modifier la Constitution comme on le ferait avec une liste de courses … Alors que cette dernière est d’une très grande plasticité, ne nécessitant que de la volonté politique.

Volonté politique du Parlement d’arrêter de se faire marcher dessus (procédures accélérées), d’envoyer valdinguer les lois de circonstance, de se donner les moyens de travailler (personnel pour la préparation des lois, la recherche, le contrôle etc) et pour justement ne plus être dépendant des ministères et des hauts fonctionnaires.

Au lieu de cela chaque ONG voudra sa petite mention. Qu’est ce que le droit à l’avortement (distinct de la loi Veil pour beaucoup) a à voir avec l’organisation des pouvoirs dans une république ?

On s’est bien moins embêté pour fusionner des régions sans rien leur demander cela dit …

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